Les changements opérés depuis l’année dernière dans l’Education Nationale ne me donnent guère envie de reprendre une classe… ni d’y laisser mes enfants d’ailleurs ! Je déteste les nouveaux programmes, je trouve révoltant la façon dont les évaluations nationales sont menées et la nouvelle formation des enseignants me fait bien peur.
Les nouveaux programmes suppriment le concept des cycles : alors que l’élève avait 3 ans pour apprendre un programme, les progressions sont maintenant établies par année. Les élèves doivent donc tous apprendre la même chose chaque année. Pour moi, cela ne peut pas respecter les rythmes d’apprentissage de chacun. Par ailleurs, les enseignants d’un même cycle devaient travailler ensemble, ce qui n’est plus nécessaire maintenant. Comme cela représentait un investissement important pour eux, on peut craindre que le travail d’équipe soit restreint à une peau de chagrin ! Chacun dans sa classe…
Ces nouveaux programmes sont plus chargés tandis que le nombre d’heures d’enseignement est réduit (plus de classe le samedi matin). Par conséquent la liberté pédagogique laissée aux enseignants devient à mon sens une pure hypocrisie : la seule méthode permettant de boucler le programme dans les temps est une méthode frontale, dans laquelle l’enseignant délivre le savoir. Mais l’élève dans tout ça ? Je doute fort qu’il puisse se construire réellement des savoirs… On n’a pas le temps de le faire se poser des questions, d’amorcer un cheminement intellectuel avec lui. Tout lui arrive tout cuit. S’il n’en a rien à faire à ce moment donné, ça lui passe au dessus de la tête !
Les programmes sont recentrés sur les connaissances fondamentales : math et français. Briller dans une autre matière n’a guère d’importance. Les bons élèves sont donc toujours les mêmes… Les élèves dont la curiosité est vive pour d’autres sujets sont vite “éteints”.
Enfin dernière chose que je regrette dans ces programmes : les matières sont cloisonnées, avec un taux horaire précis pour chacune. Dans les textes, pas de souplesse, pas de réutilisation des connaisances dans d’autres domaines que celui d’origine, pas de vie quoi !
Quant aux évaluations nationales, elles sont censées mesurer les acquis des élèves. Mais en ce qui concerne l’évaluation des CM2, la passation a lieu en janvier et porte sur le programme complet. On évalue des élèves sur des choses qu’ils n’ont pas vues (en classe). On risque fort de mettre des élèves en situation d’échec. Et que veulent dire les résultats dans ces conditions ? Il y aura sûrement des élèves qui sauront répondre, mais la gloire n’en revient pas à l’Education Nationale. (Serait-il possible d’apprendre ailleurs qu’à l’école ? )
La correction des épreuves attribue à chaque item le score 0 ou 1 selon que l’item a été parfaitement réussi ou qu’il ait comporté une seule erreur. Par exemple, un élève qui réussit 8 multiplications sur 9 aura 0 en tables de multiplication. “Pas de demi-réussite, pas de repérage des démarches originales, pas d’identification des erreurs, même pas de distinction entre non-réponse, réponse erronée et réponse partielle “ (Roland Charnay). En quoi cette évaluation pourrait-elle permettre de mesurer les acquis des élèves, comment pourrait-on s’en servir pour aider les élèves en difficulté ?
Ces évaluations sont aussi censées “permettre aux parents de suivre les progrès de leur enfant”. Mais je ne vois pas en quoi elles peuvent éclairer quiconque, vu que les résultats communiqués correspondent au nombre d’items réussis sur le nombre d’items total, et ce dans chaque domaine d’apprentissage. On communique donc un score, sans le mettre en rapport avec une compétence précise. Par ailleurs, le résultat communiqué aux parents est assorti du résultat de la classe. Pratique pour faire des comparaisons entre élèves. On encourage la compétition. On va également pouvoir faire des comparaisons entre écoles.
Enfin, concernant la formation des enseignants, celle-ci devient de plus en plus universitaire. Les postulants devront maintenant se présenter au concours avec un master et non plus une licence. Je n’ai rien contre cela en soi, mais je n’en vois pas le bénéfice potentiel pour les élèves. Et allonger le temps des études n’est pas possible pour toutes les catégories sociales. Quand on n’a pas ses parents pour financer ses études, c’est beaucoup plus compliqué. Le personnel enseignant risque d’être recruté majoritairement dans des classes aisées, ce que je trouve regrettable.
La formation des nouveaux professeurs cherchera à leur faire acquérir “la maîtrise des connaissances disciplinaires, la capacité à présenter un enseignement et la connaissance du système éducatif”. Aucune place pour l’élève ! Peu importe le public, l’enseignant débitera son cours de la même façon ? Je trouve ce programme assez stupéfiant pour ma part…