Je me décide enfin à reprendre l’écriture de ce blog. L’approche de l’inspection m’a poussée à écrire, et j’ai envie de partager quelques-uns des écrits que j’ai préparés à cette occasion. Voilà donc pour commencer la description de nos choix pédagogiques.

Nous considérons que pour que les apprentissages soient efficaces, ils doivent répondre aux questionnements des enfants. L’instruction que les enfants reçoivent est donc en grande partie basée sur leurs questions, leurs intérêts. Parfois, nous nous contenterons d’une conversation avec l’enfant sur le sujet qui l’intéresse, d’autres fois, nous proposons selon la nature des questions des lectures, des recherches sur Internet, des sorties, des jeux, des expériences, etc. Nous avons dans notre salle de séjour un dictionnaire et un atlas auxquels nous avons souvent recours. Nous indiquons également à Manon les personnes ressources quand nos propres connaissances ne sont pas suffisantes, ou quand nous connaissons des gens passionnés. Par exemple, le grand-père maternel s’intéresse beaucoup aux découvertes scientifiques et à l’astronomie, une tante parle couramment l’anglais,  des amis sont partis en voyage dans le désert africain… Nous avons pu observer que notre fille se bloque si nous avons des attentes en termes d’apprentissage. Et nous le comprenons car il nous semble inconcevable de forcer quelqu’un à apprendre quelque chose s’il ne l’a pas décidé lui-même.

Nous sommes convaincus qu’à l’âge de Manon, les apprentissages doivent être reliés à l’expérience de l’enfant, à ce qu’il vit. Par exemple, l’apprentissage de la lecture se fait principalement à l’occasion de lectures fonctionnelles avec un adulte lecteur. Nous n’utilisons pas de manuel de lecture. Nous utilisons l’écrit qui nous entoure, dans les situations dans lesquelles nous en avons envie/besoin : on va lire une recette au moment de la préparation du repas, on va lire les horaires d’ouverture de la bibliothèque quand on veut y aller, on va lire un roman qui nous passionne quand on a envie de rêver ensemble, on va lire le plan de métro quand on prend les transports en commun, etc. Pour prendre un autre exemple en mathématiques, nous allons apprendre à mesurer en faisant de la couture, nous allons apprendre à compter en tenant la banque quand on joue à la Bonne Paye, nous allons découvrir les nombres négatifs en regardant les températures hivernales, etc. Nous ne voulons pas cloisonner les apprentissages par discipline scolaire. Nous voulons au contraire qu’ils soient utilisés dans différentes situations réelles.Nous pensons que pour qu’un apprentissage soit durable, il faut également permettre à l’enfant de le répéter autant de fois que nécessaire. Ainsi, nous faisons souvent plusieurs fois les mêmes visites, les mêmes ateliers, nous passons des périodes plus ou moins longues à jouer à un même jeu. Nous sommes très attachés à la souplesse d’organisation qu’offre l’instruction en famille, qui nous permet de nous ajuster quotidiennement aux besoins de nos enfants.Nous pensons également que les apprentissages comprennent des périodes de latence, pendant lesquelles les apprentissages en question semblent être délaissés, mais qui sont en fait des temps d’assimilation importants. Nous ne cherchons donc pas à proposer chaque semaine des apprentissages dans tous les domaines : certains sont mis de côté à certaines périodes, pour mieux y revenir ensuite.Nous accordons une grande place au jeu dans notre quotidien. Là encore, nous évitons la plupart du temps d’avoir des attentes précises en termes d’apprentissage quand nous faisons un jeu. Nous jouons pour que l’enfant s’amuse, parce que nous pensons que c’est important pour son équilibre d’enfant. Mais nous constatons que de nombreux apprentissages se font à cette occasion. Quand le jeu est directement lié à l’acquisition d’une compétence précise, soit c’est l’enfant qui en fait la demande spontanément, soit nous lui proposons en lui précisant l’objectif (par exemple, on peut mettre en place un jeu de mémory avec des mots pour apprendre à les lire).L’erreur a pour nous une place importante dans l’apprentissage. Elle est significative des représentations actuelles de l’enfant, ce qui nous permet de mieux situer où en est notre enfant. Elle est l’occasion de nouveaux questionnements et de réajustements des connaissances. Nous ne voulons en aucun cas stigmatiser les erreurs que fait notre enfant car nous estimons que le risque de bloquer notre enfant serait réel.

Nous refusons d’évaluer notre enfant par des contrôles formels de ses connaissances, d’ autant que notre fille n’est pas habituée aux consignes scolaires. Nous pensons que les contrôles formels ont des limites : un échec à un contrôle n’atteste en rien de la non-acquisition des connaissances en question ;  les évaluations prennent du temps que nous préférons occuper autrement ; d’autre part, nous ne voulons pas que notre fille soit mise en échec. Cela risquerait de lui faire perdre sa confiance en elle et surtout son envie spontanée d’apprendre. Comme nous vivons au quotidien avec notre fille, il nous est très facile de nous rendre compte de ses acquisitions et de ses progrès sans passer par des évaluations. Vous trouverez d’ailleurs ci-joint un compte-rendu de ses acquisitions.

Depuis le mois de février dernier, nous avons décidé de ne plus mettre nos enfants à l’école. Encore une fois, nous faisons là un choix marginal qui suscite souvent de vives réactions. Nous nous contrefichons parfaitement de plaire ou non aux autres par nos choix. J’écris cet article pour les lecteurs bienveillants qui s’interrogent et veulent comprendre notre choix.

Nos motivations sont multiples, à tel point que je ne sais comment commencer cet article, et que je complèterai sûrement dans d’autres articles.

Il s’agit notamment de respecter les rythmes biologiques de l’enfant. Je pense que cela est nécessaire pour être disposé aux apprentissages, et je ne pense pas que l’école y parvienne. Respecter ses rythmes biologiques, ça veut dire se coucher ou se reposer quand on est fatigué, se lever quand on a eu son compte de sommeil, aller aux toilettes quand on en a envie (en maternelle, on y va encore tous ensemble à certains moments de la journée), bouger quand le corps le réclame… Ne pas aller à l’école nous permet de nous adapter quotidiennement aux besoins de chacun. Il y a des journées où on est plus en forme que d’autres et les activités sont choisies en fonction. On s’adapte aussi à la météo extérieure, à la saison, à l’état de santé de chacun (je suis persuadée que nous sommes beaucoup moins malades grâce à cela, et en tout cas beaucoup plus vite sur pied; quand on n’est pas en forme, on voit moins de monde, on se repose, on permet au corps de reprendre des forces).

Il s’agit aussi de respecter les rythmes d’apprentissage des enfants. Je peux constater chaque jour que les enfants ont une curiosité naturelle qui les pousse à apprendre. L’école ne leur permet pas d’assouvir leur curiosité. Il y a un programme pré-établi qui ne peut s’adapter aux questionnements du moment pour chaque enfant. Pour moi, l’école casse cet élan d’apprentissage des enfants. Elle propose autre chose, mais qui n’est peut-être pas intéressant à ce moment-là pour l’enfant. D’où la difficulté pour les professeurs de motiver leurs élèves, de les mobiliser. A cause de cela notamment, beaucoup de gens lient l’apprentissage (ou le travail) à la contrainte et à l’effort. Si l’on suit les questionnements de l’enfant, l’enfant va apprendre beaucoup plus efficacement et sans effort. Pas besoin de motiver l’enfant, il l’est de lui-même. Pas besoin d’y passer un temps fou, l’enfant est attentif. Et je pense qu’il se souviendra plus longtemps de ce qu’il aura appris. Une autre difficulté posée à l’école, c’est que si l’enfant est motivé pour l’apprentissage prévu par l’enseignant (exemple : puzzle en moyenne section). Cet apprentissage sera interrompu par l’enseignant pour passer à une autre activité, alors que l’enfant motivé y aurait bien passé une heure (et oui, même en moyenne section. Quand on est motivé, les temps de concentration sont bien supérieurs à ce qu’on croit). On n’apprend pas aux enfants à aller au bout de leurs efforts, au bout de leurs questions, à finir ce qu’ils ont entrepris. Quel culot de le leur reprocher ensuite !! Aujourd’hui, nous étions à la cité des enfants à la Villette. Nous avons un abonnement qui nous permet d’y venir régulièrement. Les enfants sont libres de passer la moitié de la séance sur le même atelier si ça les intéresse, autant que de zapper ce qui les laisse indifférents ce jour. A côté de nous, il y avait des groupes scolaires en sortie. On pourrait se dire : “Chouette pour eux, quelle sortie sympa !” Mais elle est faite dans des conditions très différentes. Les enfants sont par groupe, et chaque groupe évolue sur les différentes activités selon un certain ordre. Au bout d’un certain temps, il faut laisser la place au suivant. On ne prend pas en compte le fait que tel enfant était par exemple en train de piger le fonctionnement de telle machine, et qu’il avait besoin de la revoir encore 2 ou 3 fois en marche. Pendant la séance, une animation est proposée aux enfants qui le souhaitent, pour apprendre à construire un école en terre crue. Manon y va à chaque séance. Pourtant, l’animation est toujours la même. Elle écoute de toutes ses oreilles, elle s’assoit juste devant. Parfois, elle participe beaucoup. Voir 5 fois la même animation serait inconcevable dans le cadre scolaire. Et pourtant, cela lui permet peut-être de mieux comprendre,de consolider ce qu’elle a déjà compris…

L’éducation des enfants ne se limite pas à l’apprentissage de savoirs. On forme de futurs citoyens.  Or les valeurs que je veux inculquer à mes enfants sont souvent opposées à celles proposées par l’école. L’école met les élèves en compétition (ils sont évalués, notés), elle pose souvent des jugements sur les enfants. Des étiquettes de cancre ou de bon élève, de bavard, etc. sont posées et suivent l’enfant très longtemps. Notre président a même proposé un dépistage précoce des futurs délinquants dès la maternelle. Les punitions et les récompenses sont bien souvent utilisées pour motiver et faire régner la discipline. Je trouve dommage de motiver les élèves par des récompenses. C’est donc que le travail en lui-même n’en vaut pas la peine ? Que la fierté de l’enfant d’avoir appris quelque chose est dérisoire ?

On m’a parfois dit qu’en ne mettant pas mes enfants à l’école, je ne les confrontais pas à la vie en société. Pourtant, ne pas aller à l’école permet de rencontrer des enfants de tous âges, des adultes qui nous parlent de leur métier, de leur passion (quand on fait les courses chez différents commerçants, quand on fait des visites comme visite de la déchetterie, de la Poste…), des grands-parents ou arrière-grands-parents qui nous parlent de leur histoire, qui ont plein de choses à partager, qui laisseront des souvenirs bien plus importants à mon sens.

Les changements opérés depuis l’année dernière dans l’Education Nationale ne me donnent guère envie de reprendre une classe… ni d’y laisser mes enfants d’ailleurs ! Je déteste les nouveaux programmes, je trouve révoltant la façon dont les évaluations nationales sont menées et la nouvelle formation des enseignants me fait bien peur.

 Les nouveaux programmes suppriment le concept des cycles : alors que l’élève avait 3 ans pour apprendre un programme, les progressions sont maintenant établies par année. Les élèves doivent donc tous apprendre la même chose chaque année.  Pour moi, cela ne peut pas respecter les rythmes d’apprentissage de chacun. Par ailleurs, les enseignants d’un même cycle devaient travailler ensemble, ce qui n’est plus nécessaire maintenant. Comme cela représentait un investissement important pour eux, on peut craindre que le travail d’équipe soit restreint à une peau de chagrin ! Chacun dans sa classe…

Ces nouveaux programmes sont plus chargés tandis que le nombre d’heures d’enseignement est réduit (plus de classe le samedi matin). Par conséquent la liberté pédagogique laissée aux enseignants devient à mon sens une pure hypocrisie : la seule méthode permettant de boucler le programme dans les temps est une méthode frontale, dans laquelle l’enseignant délivre le savoir. Mais l’élève dans tout ça ? Je doute fort qu’il puisse se construire réellement des savoirs… On  n’a pas le temps de le faire se poser des questions, d’amorcer un cheminement intellectuel avec lui. Tout lui arrive tout cuit. S’il n’en a rien à faire à ce moment donné, ça lui passe au dessus de la tête !

Les programmes sont recentrés sur les connaissances fondamentales : math et français. Briller dans une autre matière n’a guère d’importance. Les bons élèves sont donc toujours les mêmes… Les élèves dont la curiosité est vive pour d’autres sujets sont vite “éteints”.

Enfin dernière chose que je regrette dans ces programmes : les matières sont cloisonnées, avec un taux horaire précis pour chacune. Dans les textes, pas de souplesse, pas de réutilisation des connaisances dans d’autres domaines que celui d’origine, pas de vie quoi !

Quant aux évaluations nationales, elles sont censées mesurer les acquis des élèves. Mais en ce qui concerne l’évaluation des CM2, la passation a lieu en janvier et porte sur le programme complet. On évalue des élèves sur des choses qu’ils n’ont pas vues (en classe). On risque fort de mettre des élèves en situation d’échec. Et que veulent dire les résultats dans ces conditions ? Il y aura sûrement des élèves qui sauront répondre, mais la gloire n’en revient pas à l’Education Nationale. (Serait-il possible d’apprendre ailleurs qu’à l’école ? )

La correction des épreuves attribue à chaque item le score 0 ou 1 selon que l’item a été parfaitement réussi ou qu’il ait comporté une seule erreur. Par exemple, un élève qui réussit 8 multiplications sur 9 aura 0 en tables de multiplication. “Pas de demi-réussite, pas de repérage des démarches originales, pas d’identification des erreurs, même pas de distinction entre non-réponse, réponse erronée et réponse partielle “ (Roland Charnay). En quoi cette évaluation pourrait-elle permettre de mesurer les acquis des élèves, comment pourrait-on s’en servir pour aider les élèves en difficulté ?

Ces évaluations sont aussi censées “permettre aux parents de suivre les progrès de leur enfant”. Mais je ne vois pas en quoi elles peuvent éclairer quiconque, vu que les résultats communiqués correspondent au nombre d’items réussis sur le nombre d’items total, et ce dans chaque domaine d’apprentissage. On communique donc un score, sans le mettre en rapport avec une compétence précise. Par ailleurs, le résultat communiqué aux parents est assorti du résultat de la classe. Pratique pour faire des comparaisons entre élèves. On encourage la compétition. On va également pouvoir faire des comparaisons entre écoles.

Enfin, concernant la formation des enseignants, celle-ci devient de plus en plus universitaire. Les postulants devront maintenant se présenter au concours avec un master et non plus une licence. Je n’ai rien contre cela en soi, mais je n’en vois pas le bénéfice potentiel pour les élèves. Et allonger le temps des études n’est pas possible pour toutes les catégories sociales. Quand on n’a pas ses parents pour financer ses études, c’est beaucoup plus compliqué. Le personnel enseignant risque d’être recruté majoritairement dans des classes aisées, ce que je trouve regrettable.

La formation des nouveaux professeurs cherchera à leur faire acquérir “la maîtrise des connaissances disciplinaires, la capacité à présenter un enseignement et la connaissance du système éducatif”. Aucune place pour l’élève ! Peu importe le public, l’enseignant débitera son cours de la même façon ? Je trouve ce programme assez stupéfiant pour ma part…

Je viens vous présenter une de mes dernières lectures, que j’ai ADOREE, mais qui malheureusement est bien loin de ma pratique (d’où mon titre…) Il s’agit du livre de Marshall B. Rosenberg, Les mots sont des fenêtres (ou bien ce sont des murs). D’ailleurs, je trouve que le titre lui-même est déjà très intéressant, c’est dire mon enthousiasme !!

Donc voici les principes que je m’encourage vivement à appliquer :

  • Arrêter de juger, comparer, exiger, assumer la responsabilité de ce que je ressens, de ce que je veux. Tout ce qu’on fait est un choix, par exemple quelqu’un dit : “je dois bien aller travailler”. Non, c’est lui qui choisit (peut-être parce qu’il veut gagner de l’argent par exemple). Quelqu’un qui dit “je dois faire le repas” peut assumer son choix (ou pas mais alors il ferait mieux de faire une plâtrée de pâtes) en disant “je choisis de faire le repas parce que j’ai envie de manger équilibré, ou parce que ça me permet de manger ce que j’aime, ou parce que je suis fier de le faire moi-même…”
  • Observer sans jugement ni évaluation. Un interlocuteur qui perçoit la moindre critique va se braquer au lieu de m’écouter.
  • Identifier et exprimer mes sentiments (la difficulté étant d’exprimer ses sentiments réels le plus clairement possible, et non de décrire des pensées, des jugements ou des interprétations) Exemple donné par l’auteur : au lieu de dire “je me sens nul à la guitare”, on peut dire “je suis déçu de mes talents de guitariste”, ou “je suis impatient de progresser”, ou “je suis mécontent de la façon dont je joue” Si vous êtes aussi pauvres que moi en vocabulaire pour exprimer des sentiments, voilà une liste de l’auteur qui pourra vous aider : ici.
  • Relier mon sentiment à mon besoin. “Si nous exprimons nos besoins, nous augmentons nos chances qu’ils soient satisafaits”, dixit l’auteur. Attention, le besoin doit être un message “JE” et non un message “TU” ! Exemple : “je suis déçue parce que TU ne finis pas ta soupe”, ça ne marche pas. On peut remplacer par “je suis déçue quand tu ne finis pas ta soupe parce que JE veux que tu deviennes un garçon fort et en bonne santé”. Autre exemple : “Je suis en colère parce que LE DIRECTEUR n’a pas tenu sa promesse” pourrait être remplacé par “Je suis en colère que le directeur n’ait pas tenu sa promesse parce que JE voulais prendre ce week-end pour aller voir mon frère”
  • Accueillir un message négatif sans me sentir fautive ni rejeter la faute sur autrui. Identifier les sentiments et besoins qui se cachent derrière ce message négatif. Exemple “Tu es l’individu le plus égoïste qui soit !” “Te sens-tu blessé parce que tu aurais besoin que tes préférences soient mieux prises en compte ?”. Il ne s’agit pas de donner raison à l’autre, mais d’entendre ses raisons. On est d’accord je pense, c’est super dur, d’autant plus quand on est nous-mêmes affectés par le message qui nous est envoyé…
  • Formuler une demande précise (demander ce qu’on veut, pas ce qu’on veut pas : ne pas dire “Nathan, arrête de taper avec ce bâton” mais “Nathan, je voudrais que tu tapes à tel endroit seulement”) C’est bizarre comme ce point m’est difficile. Des fois, je ne sais pas moi-même ce que j’attends de l’autre. Que pourrait-il faire pour que je me sente mieux ? Me poser la question m’aide (parfoisClin d'oeil) à assumer mes responsabilités dans une dispute par exemple.

Voilà donc un modèle de communication non violente, respectueuse de chacun, dont j’aimerais m’inspirer. Mais en même temps, ça pose un problème. L’auteur écrit : “L’objectif de la CNV [communication non violente] n’est pas de changer les autres et leurs comportements afin d’obtenir ce que nous voulons. Il est d’établir des relations fondées sur la sincérité et l’empathie qui, au bout du compte, satisferont les besoins de chacun.” Sur ce point, j’aimerais vraiment vos réactions, chers lecteurs : peut-on poser des limites à ses enfants en utilisant la CNV ? Un psychologue qui donnait une conférence près de chez moi sur le thème de la communication disait : “ne pas chercher à convaincre mais à transmettre”.

Nous avons choisi d’accueillir notre 3e enfant à la maison, comme nous l’avions fait pour notre second. Cette décision a été prise par mon mari et moi et ne concerne que nous. Je n’écris pas ce texte pour me justifier ni pour demander l’aval de qui que ce soit. J’écris pour les gens ouverts d’esprit qui sont surpris de découvrir que l’accouchement à la maison est possible et qui n’en voient pas forcément les raisons.

Des raisons, vous allez voir que j’en ai toute une tartine. Il y a 2 façons de regarder les choses, qui vont souvent l’une avec l’autre d’ailleurs : pourquoi je ne veux pas aller en maternité, et pourquoi je veux rester chez moi.

  • L’accouchement

De nombreux choix sont faits de manière systématique dans les maternités pour accélérer le travail. Ce n’est pas forcément la faute du personnel car malheureusement, n’étant pas assez nombreux, n’ayant pas assez de place pour toutes les parturientes, ce personnel n’a souvent pas d’autre choix. Ainsi , on va poser une perf avec de l’ocytonine (hormone pour accélérer les contractions), on va rompre la poche des eaux, on va poser une sonde urinaire, on va faire une épisiotomie… Ce ne sont que des exemples. D’autres gestes sont faits car la sage-femme ne peut rester présente pour surveiller la naissance et aider la parturiente face aux douleurs des contractions : monito en continu (qui fait qu’on est sanglé à la table d’accouchement, même si de nouveaux modèles sembleraient permettre plus de mobilité), péridurale…

Ces gestes ne sont pas anodins, chacun présente des risques (souffrance foetale, travail bloqué, césarienne, forceps…). Or ces risques ne sont pas pris en compte. Souvent, on n’a pas le choix à l’hôpital…

A la maison, aucun de ces gestes ne peuvent être faits, justement à cause des risques qu’ils font encourir. Si l’un d’eux s’avérait nécessaire, il faudrait un transfert en structure hospitalière. Du coup, l’accouchement quand il se passe à la maison est complètement naturel.

L’intimité de la parturiente et du couple n’est pas respectée. On se trouve déjà dans un lieu qui ne se prête pas à une relation intime : une salle froide, avec plein de matériel médical, le bruit du monito, etc. Le personnel nous est inconnu et l’équipe change à telle heure. Nous avons à faire pendant la naissance à plusieurs personnes, parfois des stagiaires en plus. Toutes les heures, une sage-femme vient faire un toucher vaginal pour contrôler l’avancée du travail… Le père a souvent bien du mal à trouver sa place et son rôle pendant cet accouchement.

A la maison, au contraire, on est dans son propre univers, dans son lieu de vie, en général un lieu où l’on se sent bien, qu’on a pu aménager pour l’occasion (lumière tamisée, musique, diffusion d’huiles essentielles, oreillers…) La sage-femme présente nous est bien connue. Nous avons fait tout le suivi de grossesse avec elle et avons tissé avec elle une relation de confiance, une vraie relation humaine ! Elle n’a que rarement besoin de faire de touchers vaginaux car elle s’appuie sur d’autres signes pour déterminer l’avancée du travail, ce qui lui possible du fait qu’elle est quasiment tout le temps avec nous pendant le travail et qu’elle nous connaît bien. Le papa, quant à lui, peut participer à la naissance de bien des façons. S’il souhaite assister à l’accouchement, il peut soutenir sa femme en la prenant dans ses bras, en la massant, en lui disant des mots doux, en lui faisant couler un bain, etc. Il est chez lui, il est bien plus à l’aise pour prendre ces initiatives. Et s’il ne se sent pas d’être présent (mais c’est plus rare étant donné qu’à la maison, le papa a un vrai rôle), il peut quand même se sentir utile chez lui, en préparant des petits encas, des boissons à sa femme, en s’occupant de l’intendance de la maison, en mettant une musique ou des huiles essentielles à diffuser…

A l’hôpital, on est obligé de jeûner pendant l’accouchement (d’où aussi la perf obligatoire). Ma mère compare souvent l’accouchement à une course en haute montagne. Imaginez qu’on demande à un alpiniste de monter à jeûn car il risque de se blesser et si on doit l’opérer, cela serait alors plus facile !!! Ne risquerait-il pas d’autant plus l’accident s’il n’a pas l’énergie nécessaire pour aller au bout de son projet ? Effectivement, l’accouchement est souvent long, très intense, très éprouvant pour le corps et certaines femmes peuvent avoir besoin de manger, de grignoter quelques fruits secs par exemple, et de boire. Cela est possible à la maison, jamais admis à l’hôpital. Et alors après la naissance, c’est grand luxe à la maison : on peut manger un bon petit plat dans son lit, selon ses envies, une grosse pizza, une pile de crêpes, une tartiflette…

Au moment de l’expulsion, les femmes qui accouchent de façon naturelle se mettent souvent spontanément dans des positions qui vont faciliter la naissance du bébé (accroupie, à quatre pattes…) Le célèbre (et antipathique pour moi) obstétritien René Frydman a pu le remarquer dans son livre Les secrets des mères dans lequel il nous invite à découvrir l’accouchement dans le monde. Il remarque que même en France, les sage-femmes commencent à faire accoucher sur le côté car cela facilite l’ouverture du bassin. Il explique que lui apprend mais ne sait pas faire de cette façon : “Pour moi, tout est plus simple quand la femme est allongée sur le dos, j’ai besoin de voir ses yeux” Voilà qui résume bien la différence entre l’accouchement à la maison où l’on va chercher ce qui est plus simple pour la femme (qui est quand même en train d’accoucher là, Mr Frydman !!) et l’accouchement en maternité, où l’obstétricien va chercher ce qui est plus simple pour lui…

  • La naissance

Le bébé vient de vivre un moment très intense et certainement déstabilisant, du moins entièrement nouveau pour lui. On peut supposer que cela peut être quelque peu angoissant et que le bébé sera rassuré de retrouver des repères une fois à l’air en se blotissant contre sa mère dont il reconnaîtra l’odeur, le bruit des battements de coeur, la voix… Or en maternité, on trouve tout un tas de soins à faire au bébé dans ses premiers moments de vie : pesée, mesure, gouttes dans les yeux, aspiration des voies respiratoires, tests d’Apgar, bain, couveuse (!!)…

A la maison, le bébé reste blotti en peau à peau contre sa mère. La sage-femme observe discrètement son comportement. Il n’y a pas de soin urgent dans une naissance physiologique, on laisse le bébé et sa mère faire connaissance doucement. Et puis quand on se décide à faire quelques soins (pesées, test d’Apgar, mais uniquement ce qui n’a pas été observé dans le comportement spontané de l’enfant), ceux-ci sont faits sur le lit de la mère, à côté d’elle.

Au moment même de la naissance, le bébé en maternité est très souvent accueilli avec une lumière violente (pour le confort de l’obstétricien), dans une salle climatisée en été… Dès sa naissance, au moment où il est si vulnérable et où il vit un moment si important de sa vie, les adultes ne tiennent aucun compte des besoins du bébé ! Quel bonheur à la maison de pouvoir se pelotonner sous sa couette avec son bébé en peau à peau, dans son propre lit, sans aucune lumière violente !

  • Le séjour

Le séjour en maternité après la naissance sert à plusieurs choses, notamment à se reposer. Or, comme il est dur de se reposer quand on se fait réveiller tôt pour prendre sa température, quand une fois rendormie, on se fait reréveiller pour prendre le petit-déjeûner, puis pour changer ses draps, etc.

Ce séjour est censé permettre aussi un accompagnement aux premiers pas des parents avec leur bébé. Or les conseils sont bien souvent très infantilisants pour les parents (cf article sur les bébés qui puent), certaines décisions concernant le bébé sont prises sans l’avis des parents (Comme la prise de sang. Il faut savoir que des études ont montré qu’un bébé en train de téter quand on lui fait sa prise de sang ne ressent pas la douleur de la piqûre. Pour les bébés non allaités, un biberon d’eau sucrée diminue également fortement les sensations douloureuses), les puéricultrices proposent fréquemment de placer les bébés à la nurserie…

Les conseils donnés par rapport à l’allaitement sont fréquemment d’un autre âge : biberons de compléments proposés au moindre problème, voire sans aucun problème, ce qui compromet fortement les chances de bien démarrer ; conseils absurdes tels donner 10′ à chaque sein, ce qui ne permet pas au bébé de bénéficier des matières grasses qui ne se trouvent qu’en fin de tétée, les tétées ayant des durées très différentes d’un bébé à l’autre et d’un moment de la journée à l’autre ; autre conseil absurde : attendre 3 heures entre chaque tétée… Sans parler des contradictions d’une puéricultrice à l’autre, des remarques désobligeantes sur les seins qui ne correspondraient pas à la réussite d’un allaitement (trop petits, bouts de seins non sortis, pas de lait, etc.)…

La surveillance médicale du bébé et de sa maman peut être pratiquée aussi bien à la maternité qu’à la maison, où une sage-femme vient chaque jour faire le suivi de couches. Cette possibilité est aussi envisageable après une naissance en maternité, pour des couples qui choisiraient de rentrer chez eux quelques heures après la naissance (mais toutes les maternités ne le permettent pas !! Il faut souvent au moins signer une décharge)

La place du père est bien dure à trouver en maternité… Nous en avons déjà parlé pour l’accouchement. Mais après la naissance, c’est encore pire. Pas de lit pour lui, monsieur n’a plus qu’à rentrer seul chez lui ! Ces quelques jours vont être pour lui remplis de trajets maternité-maison, parfois même en étant obligé de respecter les horaires de visite…

A propos des visites, quel accueil faire à ses invités quand on est dans une chambre d’hôpital, qu’on a rien à leur offrir, et que de toute façon on est trop fatiguée pour supporter une visite d’une demi-heure ! Les horaires sont contraignants et les conditions sont frustrantes. A la maison, le papa peut se charger d’offrir un thé, des petits gâteaux, la maman peut s’isoler avec son bébé quand ils en ont besoin, les parents peuvent choisir d’indiquer à leurs invités un horaire qui les arrange…

Enfin, la nourriture proposée est bien peu appétissante à la maternité. A la maison, on mange ce qu’on veut, ce qu’on aime, à l’heure où on a faim !

Je suis sûre après avoir rédigé cette longue tartine que j’oublie encore des raisons qui me font choisir l’accouchement à la maison !