Archive for non sco

Je me décide enfin à reprendre l’écriture de ce blog. L’approche de l’inspection m’a poussée à écrire, et j’ai envie de partager quelques-uns des écrits que j’ai préparés à cette occasion. Voilà donc pour commencer la description de nos choix pédagogiques.

Nous considérons que pour que les apprentissages soient efficaces, ils doivent répondre aux questionnements des enfants. L’instruction que les enfants reçoivent est donc en grande partie basée sur leurs questions, leurs intérêts. Parfois, nous nous contenterons d’une conversation avec l’enfant sur le sujet qui l’intéresse, d’autres fois, nous proposons selon la nature des questions des lectures, des recherches sur Internet, des sorties, des jeux, des expériences, etc. Nous avons dans notre salle de séjour un dictionnaire et un atlas auxquels nous avons souvent recours. Nous indiquons également à Manon les personnes ressources quand nos propres connaissances ne sont pas suffisantes, ou quand nous connaissons des gens passionnés. Par exemple, le grand-père maternel s’intéresse beaucoup aux découvertes scientifiques et à l’astronomie, une tante parle couramment l’anglais,  des amis sont partis en voyage dans le désert africain… Nous avons pu observer que notre fille se bloque si nous avons des attentes en termes d’apprentissage. Et nous le comprenons car il nous semble inconcevable de forcer quelqu’un à apprendre quelque chose s’il ne l’a pas décidé lui-même.

Nous sommes convaincus qu’à l’âge de Manon, les apprentissages doivent être reliés à l’expérience de l’enfant, à ce qu’il vit. Par exemple, l’apprentissage de la lecture se fait principalement à l’occasion de lectures fonctionnelles avec un adulte lecteur. Nous n’utilisons pas de manuel de lecture. Nous utilisons l’écrit qui nous entoure, dans les situations dans lesquelles nous en avons envie/besoin : on va lire une recette au moment de la préparation du repas, on va lire les horaires d’ouverture de la bibliothèque quand on veut y aller, on va lire un roman qui nous passionne quand on a envie de rêver ensemble, on va lire le plan de métro quand on prend les transports en commun, etc. Pour prendre un autre exemple en mathématiques, nous allons apprendre à mesurer en faisant de la couture, nous allons apprendre à compter en tenant la banque quand on joue à la Bonne Paye, nous allons découvrir les nombres négatifs en regardant les températures hivernales, etc. Nous ne voulons pas cloisonner les apprentissages par discipline scolaire. Nous voulons au contraire qu’ils soient utilisés dans différentes situations réelles.Nous pensons que pour qu’un apprentissage soit durable, il faut également permettre à l’enfant de le répéter autant de fois que nécessaire. Ainsi, nous faisons souvent plusieurs fois les mêmes visites, les mêmes ateliers, nous passons des périodes plus ou moins longues à jouer à un même jeu. Nous sommes très attachés à la souplesse d’organisation qu’offre l’instruction en famille, qui nous permet de nous ajuster quotidiennement aux besoins de nos enfants.Nous pensons également que les apprentissages comprennent des périodes de latence, pendant lesquelles les apprentissages en question semblent être délaissés, mais qui sont en fait des temps d’assimilation importants. Nous ne cherchons donc pas à proposer chaque semaine des apprentissages dans tous les domaines : certains sont mis de côté à certaines périodes, pour mieux y revenir ensuite.Nous accordons une grande place au jeu dans notre quotidien. Là encore, nous évitons la plupart du temps d’avoir des attentes précises en termes d’apprentissage quand nous faisons un jeu. Nous jouons pour que l’enfant s’amuse, parce que nous pensons que c’est important pour son équilibre d’enfant. Mais nous constatons que de nombreux apprentissages se font à cette occasion. Quand le jeu est directement lié à l’acquisition d’une compétence précise, soit c’est l’enfant qui en fait la demande spontanément, soit nous lui proposons en lui précisant l’objectif (par exemple, on peut mettre en place un jeu de mémory avec des mots pour apprendre à les lire).L’erreur a pour nous une place importante dans l’apprentissage. Elle est significative des représentations actuelles de l’enfant, ce qui nous permet de mieux situer où en est notre enfant. Elle est l’occasion de nouveaux questionnements et de réajustements des connaissances. Nous ne voulons en aucun cas stigmatiser les erreurs que fait notre enfant car nous estimons que le risque de bloquer notre enfant serait réel.

Nous refusons d’évaluer notre enfant par des contrôles formels de ses connaissances, d’ autant que notre fille n’est pas habituée aux consignes scolaires. Nous pensons que les contrôles formels ont des limites : un échec à un contrôle n’atteste en rien de la non-acquisition des connaissances en question ;  les évaluations prennent du temps que nous préférons occuper autrement ; d’autre part, nous ne voulons pas que notre fille soit mise en échec. Cela risquerait de lui faire perdre sa confiance en elle et surtout son envie spontanée d’apprendre. Comme nous vivons au quotidien avec notre fille, il nous est très facile de nous rendre compte de ses acquisitions et de ses progrès sans passer par des évaluations. Vous trouverez d’ailleurs ci-joint un compte-rendu de ses acquisitions.

Depuis le mois de février dernier, nous avons décidé de ne plus mettre nos enfants à l’école. Encore une fois, nous faisons là un choix marginal qui suscite souvent de vives réactions. Nous nous contrefichons parfaitement de plaire ou non aux autres par nos choix. J’écris cet article pour les lecteurs bienveillants qui s’interrogent et veulent comprendre notre choix.

Nos motivations sont multiples, à tel point que je ne sais comment commencer cet article, et que je complèterai sûrement dans d’autres articles.

Il s’agit notamment de respecter les rythmes biologiques de l’enfant. Je pense que cela est nécessaire pour être disposé aux apprentissages, et je ne pense pas que l’école y parvienne. Respecter ses rythmes biologiques, ça veut dire se coucher ou se reposer quand on est fatigué, se lever quand on a eu son compte de sommeil, aller aux toilettes quand on en a envie (en maternelle, on y va encore tous ensemble à certains moments de la journée), bouger quand le corps le réclame… Ne pas aller à l’école nous permet de nous adapter quotidiennement aux besoins de chacun. Il y a des journées où on est plus en forme que d’autres et les activités sont choisies en fonction. On s’adapte aussi à la météo extérieure, à la saison, à l’état de santé de chacun (je suis persuadée que nous sommes beaucoup moins malades grâce à cela, et en tout cas beaucoup plus vite sur pied; quand on n’est pas en forme, on voit moins de monde, on se repose, on permet au corps de reprendre des forces).

Il s’agit aussi de respecter les rythmes d’apprentissage des enfants. Je peux constater chaque jour que les enfants ont une curiosité naturelle qui les pousse à apprendre. L’école ne leur permet pas d’assouvir leur curiosité. Il y a un programme pré-établi qui ne peut s’adapter aux questionnements du moment pour chaque enfant. Pour moi, l’école casse cet élan d’apprentissage des enfants. Elle propose autre chose, mais qui n’est peut-être pas intéressant à ce moment-là pour l’enfant. D’où la difficulté pour les professeurs de motiver leurs élèves, de les mobiliser. A cause de cela notamment, beaucoup de gens lient l’apprentissage (ou le travail) à la contrainte et à l’effort. Si l’on suit les questionnements de l’enfant, l’enfant va apprendre beaucoup plus efficacement et sans effort. Pas besoin de motiver l’enfant, il l’est de lui-même. Pas besoin d’y passer un temps fou, l’enfant est attentif. Et je pense qu’il se souviendra plus longtemps de ce qu’il aura appris. Une autre difficulté posée à l’école, c’est que si l’enfant est motivé pour l’apprentissage prévu par l’enseignant (exemple : puzzle en moyenne section). Cet apprentissage sera interrompu par l’enseignant pour passer à une autre activité, alors que l’enfant motivé y aurait bien passé une heure (et oui, même en moyenne section. Quand on est motivé, les temps de concentration sont bien supérieurs à ce qu’on croit). On n’apprend pas aux enfants à aller au bout de leurs efforts, au bout de leurs questions, à finir ce qu’ils ont entrepris. Quel culot de le leur reprocher ensuite !! Aujourd’hui, nous étions à la cité des enfants à la Villette. Nous avons un abonnement qui nous permet d’y venir régulièrement. Les enfants sont libres de passer la moitié de la séance sur le même atelier si ça les intéresse, autant que de zapper ce qui les laisse indifférents ce jour. A côté de nous, il y avait des groupes scolaires en sortie. On pourrait se dire : “Chouette pour eux, quelle sortie sympa !” Mais elle est faite dans des conditions très différentes. Les enfants sont par groupe, et chaque groupe évolue sur les différentes activités selon un certain ordre. Au bout d’un certain temps, il faut laisser la place au suivant. On ne prend pas en compte le fait que tel enfant était par exemple en train de piger le fonctionnement de telle machine, et qu’il avait besoin de la revoir encore 2 ou 3 fois en marche. Pendant la séance, une animation est proposée aux enfants qui le souhaitent, pour apprendre à construire un école en terre crue. Manon y va à chaque séance. Pourtant, l’animation est toujours la même. Elle écoute de toutes ses oreilles, elle s’assoit juste devant. Parfois, elle participe beaucoup. Voir 5 fois la même animation serait inconcevable dans le cadre scolaire. Et pourtant, cela lui permet peut-être de mieux comprendre,de consolider ce qu’elle a déjà compris…

L’éducation des enfants ne se limite pas à l’apprentissage de savoirs. On forme de futurs citoyens.  Or les valeurs que je veux inculquer à mes enfants sont souvent opposées à celles proposées par l’école. L’école met les élèves en compétition (ils sont évalués, notés), elle pose souvent des jugements sur les enfants. Des étiquettes de cancre ou de bon élève, de bavard, etc. sont posées et suivent l’enfant très longtemps. Notre président a même proposé un dépistage précoce des futurs délinquants dès la maternelle. Les punitions et les récompenses sont bien souvent utilisées pour motiver et faire régner la discipline. Je trouve dommage de motiver les élèves par des récompenses. C’est donc que le travail en lui-même n’en vaut pas la peine ? Que la fierté de l’enfant d’avoir appris quelque chose est dérisoire ?

On m’a parfois dit qu’en ne mettant pas mes enfants à l’école, je ne les confrontais pas à la vie en société. Pourtant, ne pas aller à l’école permet de rencontrer des enfants de tous âges, des adultes qui nous parlent de leur métier, de leur passion (quand on fait les courses chez différents commerçants, quand on fait des visites comme visite de la déchetterie, de la Poste…), des grands-parents ou arrière-grands-parents qui nous parlent de leur histoire, qui ont plein de choses à partager, qui laisseront des souvenirs bien plus importants à mon sens.